Aux confins du Lot et de ses coteaux pierreux, Toumon-d'Agenais dresse, parmi bois et champs cultivés d'alentours, sa fière silhouette de cité fortifiée. Ce village pittoresque, chef-lieu de canton, groupe 800 habitants.
En juillet 1944, date des événements, le maquis sillonne routes et sentiers du pays. La Résistance est déjà très solide dans le Villeneuvois. Ne voit-on pas, sur places et rues de Villeneuve-sur-Lot, défiler, parfois en uniforme, des unités de la Résistance.
L'Allemand s'inquiète. II doit réagir ou évacuer cet arrondissement. Il va réagir avec une unité venant du Centre, réputée pour sa cruauté. La colonne se met en marche et, dès les premiers pas en Lot-et-Garonne, la bagarre commence.
Le 3 juillet 1944, vers 10 h 45, une colonne allemande forte de 1500 hommes venant de la direction de Cahors et se dirigeant vers Villeneuve-sur-Lot, ayant trouvé à son passage à Tournon-d'Agenais (Lot-et-Garonne), chef-lieu de canton, à 26 kilomètres de Villeneuve-sur-Lot, quelques hommes du maquis, place du Foirail, a aussitôt fait feu sur les résistants en très petit nombre. A noter que ces derniers n'ont fait aucune offensive contre les assaillants et qu'ils n'étaient pour la plupart pas armés.
Les opérations allemandes contre les résistants et la population civile ont duré de 10 h 45 à 17 heures.
Au cours de ces opérations, neuf personnes ont été tuées par les Allemands, car sans discernement l'Allemand fait feu sur tout ce qui bouge.
Ainsi périrent :
II résulte de l'enquête que les Allemands tiraient du haut du village sur les fuyards comme sur du gibier et qu'ils ont ensuite achevé au revolver les blessés.
Vers 15 heures, le maquisard Fournié a été matraqué et torturé avant d'être abattu à coups de revolver, place du Foirail. Avec héroïsme, il n'a jamais parlé.
Les Allemands ont contraint les otages à regarder le supplice de Fournié, sauvagement frappé par un soldat à coups de chargeur de mitraillette avant d'être abattu.
Ils ont aussi mis au mur et tué sur la place : Testut.
Ont été blessés :
GUILLEREAU, Jean, 36 ans, peintre, à Bordeaux.
MARTEGOUTTE, Alix, 50 ans, chef-cantonnier, à Tournon.
BEZELOU, Jean, 58 ans, cultivateur, à Tournon.
De nombreuses maisons ont été pillées, par les soldats allemands.
Une énumération complète et détaillée des vols commis chez l'habitant par les soldats allemands n'offrirait aucun intérêt, s'il ne fallait, dans ces pages, donner au moins un exemple de l'une de ces mises à sac dont l'Allemand était coutumier.
Chez le sieur Fialdes, Henri, 40 ans, cultivateur, à Tournon-d'Agenais, les Allemands ont pris :
- du linge, des vêtements et des chaussures,
- une montre en or et un collier en argent,
- vingt à vingt-cinq conserves de porc et conserves,
- trois kilos de sucre,
- quatre douzaines d'œufs.
Chez le sieur Dutrix, André, cultivateur, à Toumon, les Allemands ont volé :
- vingt-cinq litres de vin blanc et rouge,
- quatre douzains d'œufs,
- deux kilos de graisse,
- douze boîtes de conserves, porc ou volaille,
- trois paires de sandales.
Chez Sirech, François, 84 ans, à Tournon, les Allemands ont dérobé une somme de 450 francs.
Chez le sieur Rimonteil, Marc, 49 ans, entrepreneur, à Toumon, les Allemands ont pris :
- du linge et des vêtements,
- une montre en or,
- une montre en argent,
- deux chaînes, deux bracelets, une bague et deux sautoirs en or,
- des accessoires de garage et des outils divers,
- deux bicyclettes,
- vingt poches de charbon de bois.
Chez Lacombe, Jeanne, née Castagné, les Allemands ont enlevé :
- une barrique de vin rouge,
- un quart de barrique de vin,
- des liqueurs et eau-de-vie,
- cent boîtes de conserves,
- trois morceaux de lard,
- un réchaud électrique,
- trois montres en argent et bijoux divers,
- trente-six mille francs en billets de banque,
- du linge et huit pots de graisse.
Chez Bonnefous, Camille, 25 ans, coiffeur à Tournon les Allemands ont dérobé des accessoires de coiffure estimés à la somme de 2080 francs.
Chez le sieur Souquet, propriétaire de l'Hôtel des Voyageurs, à Toumon, les Allemands ont emporté le matériel complet et les réserves du restaurant, ainsi qu'un cochon vivant.
Chez Rubistein, Riben, tailleur, à Toumon, les Allemands ont pris :
- sept mille francs en billets de banque,
- une bague en or,
- une montre-bracelet dame en or,
- une montre d'homme en argent,
- un jambon,
- trois boîtes de conserve,
- un rasoir et objets de toilette,
- un pantalon et un blouson neufs.
Chez Gélis, Maurice, 44 ans, cultivateur, à Toumon, les Allemands ont dérobé :
- vingt-cinq mille francs en billets,
- trois bagues or avec brillants et rubis et un sautoir en or,
- un bracelet en or,
- un bracelet or pour enfant,
- trois montres, dont une en or et deux en métal,
- une montre-bracelet dame argent avec brillant platine,
- un stylo Stephen.
Chez Nicolas, Pierre, 45 ans, épicier, à Tournon, les Allemands ont pris :
- quarante-deux douzaines d'œufs,
- trois kilos quatre cents de tabac,
- divers articles de bureau,
- huit paires de pantoufles,
- cinq kilos de sucre,
- dix kilos de pêches,
- vingt-cinq morceaux de savon,
- un porte-monnaie contenant 300 francs,
- un bon de 100 francs de Secours national,
- deux bagues.
Chez Hugla, Jean, 49 ans, cultivateur, à Tournon, les Allemands ont pris :
- vingt boîtes de conserve et volaille,
- une montre homme,
- une somme de 4000 francs,
- vingt-deux paquets de cigarettes de la Croix-Rouge.
Chez Paméja, Jules, les Allemands ont pris :
- trente-cinq boîtes de conserves de viande,
- un jambon,
- saucisses et saucissons,
- quatre kilos de sucre,
- quatre kilos de savon,
- quinze bouteilles de vin vieux,
- linge et vêtements,
- une bague dame or, deux broches,
- un Kodak,
- un stylo,
- une somme de 5000 francs en argent.
Chez Ladevèze, Pierre, 64 ans, cultivateur, à Tournon, les Allemands ont pris :
- une somme de 6360 francs,
- sept écus en argent,
- quatre louis d'or de 20 francs,
- une alliance or,
- une bague or,
- une paire de boucles d'oreilles or,
- un rasoir et des accessoires de toilette.
Chez Revel, Henri, 73 ans, capitaine de frégate, les Allemands ont dérobé :
- un coffret en acier,
- un portefeuille en peau de phoque,
- une somme de 9000 francs en billets,
- livrets de pension,
- une valise en fibrine,
- une jumelle Zeiss,
- un appareil photographique avec étui,
- une paire de souliers blancs,
- un cachet chinois en ivoire,
- une paire de boutons de manchettes or,
- une griffe tigre or,
- une alliance or,
- un stylo Watterman.
Chez Autesserre, Odette, les Allemands ont pris une bicyclette neuve avec accessoires.
Chez Iche, Pierre, 63 ans, capitaine au long cours, les Allemands ont pris :
- une somme de 17000 francs,
- une montre or avec sautoir,
- une montre or,
- une parure complète en or (manchettes et chemise),
- un étui de cigarettes en argent,
- douze cuillers à café en argent,
- deux jeux de couverts en argent,
- des médailles en or et broches,
- une valise cuir,
- un sac à main fantaisie,
- deux foulards de soie,
- deux paires de souliers neufs,
- deux paires de chaussures fantaisie,
- quatre paires bas de femme,
- un stylo,
- une paire de boucles d'oreilles or et brillants,
- un rasoir et des accessoires de toilette.
A Terrière, Odette, 19 ans, bonne chez Mme Souquet, les Allemands ont dérobé :
- un billet de 1000 francs,
- une paire de chaussures,
- deux malles en cuir avec objets personnels.
Au cours de la mise à sac de Tournon, les Allemands ont aussi incendié, par obus, la ferme de Ducrey, Michel. La récolte, le cheptel, tout a été détruit.
La ferme Hugla a été également atteinte par un obus, car les Allemands avaient placé en batterie deux pièces d'artillerie dont, jumelle en mains, un officier dirigeait le tir, tandis que des tireurs d'élite faisaient feu avec leur fusil-mitrailleur, comme sur cible, sur tout être humain aperçu.
Ainsi Lharydon, paisible cultivateur, fut tué devant sa porte, ainsi le Dr Weissmann qui, apercevant le danger, voulut revenir en amère.
Enfin les Allemands ont procédé au pillage des armes et munitions de la brigade de gendarmerie de Toumon.
Les actes criminels des Allemands n'ont ici aucune excuse. Il ne s'agit en rien d'une bataille rangée entre Allemands et forces de la Résistance.
Les quelques maquisards, 15 à 20 non armés, ne pouvaient rien contre une colonne de 1500 à 2000 soldats, armés même de pièces d'artillerie. Ils n'ont rien tenté d'ailleurs et ont fui.
Les exécutions sanglantes, la mise à sac de Toumon, les incendies de maisons sont sans excuse et doivent être considérés comme crimes de guerre.
Les soldats allemands ayant opéré à Tournon, appartenaient à la division de réserve (Panzergrenadiers) "das Gespent" (Le Fantôme).
Cette unité a séjourné à Villeneuve-sur-Lot, du 3 au 21 juillet 1944.
Il s'agissait en réalité des débris de plusieurs divisions dont la Division de Panzer-Grenadiers, qui avait combattu sur le front Est.
Certains éléments provenaient d'unités ayant été engagées en Crête, en Italie.
Ses effectifs étaient très réduits. Son matériel de route et de combat quasi-inexistant.
Cette unité était passée à Brive et Tulle, où elle avait commis des atrocités.
(Merci à Livio Dalle-Grave à qui le document appartient.)
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